"Dans le désert, quelque part près du Rio Grande, j’ai creusé un trou. Je savais ce que je venais y faire, creuser ce trou sous 50° degrés.
Cela m’a pris une semaine, j’étais vite fatiguée, mais j’étais libre aussi, sous un soleil accablant.
J’ai ressenti la soif, mon corps lent et lourd, la langue gonflée dans la bouche en carton.
Je savais déjà cette pièce avant de partir, elle me semblait facile, évidente, bonne.
Il m’a fallu plusieurs semaines pour réunir tous les pare-brises, au pays de l’automobile, ils étaient rares, comme l’eau au milieu du sable ancien.
Quand la pièce a commencer à se figurer, les quelques pare-brises posés, je me suis sentie heureuse, satisfaite. Puissante aussi. Puissante de ma propre capacité à créer.
Le premier jour, la première nuit où les premiers pare-brises ont été placés, j’ai vu des traces de pas, de pattes, de grands mammifères comme les cerfs d’ici, les cerfs mulets. Puis en m’approchant, j’ai vu que les bords du trou avaient été bousculés, écroulés et qu’ils avaient tentés de briser la "glace" pour y découvrir l’eau. Nous étions au milieu du mois d’août.
Le troisième jour, deux libellules ont volé sans fin pendant deux heures au dessus de la flaque de verre.
Le cinquième jour, un crapaud est venu entre mes pieds attendre tout au bord que la surface se défige.
Cette pièce est réussie d’un certain point de vue, je n’ai pas besoin de l’aval de mes pairs. Elle est si réussie que le piège cynique que je voulais poser aux hommes, ne s’est posé qu’à la nature, que j’ai bernée. Méchamment bernée.
Je ne veux pas être cette artiste, je ne veux plus faire de piège, tout artistique soit-il. Le cynisme et sa tristesse ont fait ployer mon orgueil."
THE LAST OASIS
Used windshields
250 x 150 x 30 cm
In situ, Terlingua Ranch, Texas. 2018